Prétexter l’écriture pour bercer le temps

Article : Prétexter l’écriture pour bercer le temps
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26/08/2016

Prétexter l’écriture pour bercer le temps

 

Écriture
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Qui ne connaît pas ce moyen de communication qui nous aide, autant que faire se peut, à combiner mots et tournures pour décrire notre réalité au quotidien, partager du flux d’idées (parfois encombrantes) qui nous trottent dans la tête toujours en attente d’être extériorisées?

« Écriture » est ce maître-mot. Simplement, l’écriture est ce procédé facilitant la représentation d’un langage à l’aide de symboles ou de lettres. Elle est pour ainsi dire une manifestation de l’esprit humain qui ne s’isole pas. En signes linguistiques, elle nous aide à traduire nos volontés et émotions les plus fugaces. Par là, elle peut être vue comme une expression manifeste de notre perception des choses. Car aussi imparfaite qu’elle se révélerait être, elle transporte d’un sens à l’autre notre pensée, nos idées. Par conséquent, dire qu’écrire, c’est se positionner dans le temps, observer, raconter en raison d’un besoin émotionnel réel et conscient n’a rien d’exagérer.

L’écriture, à mon sens, part d’une dynamique d’ « extériorisation » où les supports qu’on utilise, hormis les ressources personnelles mobilisées, importent peu. Qu’on se sert d’un cailloux ou d’un bout de bois pour former des caractères dans le sable fin aux éclats scintillants sur une plage, un morceau de verre pour laisser une empreinte dans un tronc d’arbre au cours d’une excursion, une bombe aérosol pour inscrire des signes graphiques sur un mur ou plus ordinairement, un crayon, un clavier pour agencer des mots, des phrases sur du papier volant ou un téléphone intelligent, le résultat demeure sans doute le même : c’est l’ingéniosité de vouloir constamment repousser les limites de l’indifférence et l’enfermement pour nous valoriser, nous soulager en partageant (aussi longuement que nos pensées peuvent se formuler) d’infimes parties d’une tonne de souvenirs enfouis en nous en permanence dont on est le seul propriétaire.

Par expérience, je sais que l’écriture est cette clé magique qui, par la volupté de l’inspiration, ouvre les deux mystérieux battants de l’univers des mots – s’agitant toujours parce qu’en quête de liberté – pour laisser des idées nouvelles s’échapper et se récréer. Au regard du temps sans doute, on écrit pour créer, animer, exposer… Pour continuer à donner vie à nos pulsions, garder le rythme de notre respiration et obéir au cycle du temps qui dénote, semble-t-il, une exactitude inflexible. En cela, je décèle en l’écriture une vertu thérapeutique. À croire qu’à chaque début de phrase, d’un battement léger et régulier, le coeur se meut… Au tournant d’une virgule, il trépide et ralentit à tout point-virgule pour ne jamais s’arrêter à un point final. Il faut aller à la ligne. Je suppose même que c’est l’équilibre rythmique de l’écriture en adéquation avec le temps!

Écrire, c’est s’évader, se perdre (parfois) pour se retrouver (toujours) en rendant significatif même chaque espace blanc.

Par le moyen de l’écriture, cette activité intellectuelle sans borne, la connexion qu’on établit, la relation qu’on entend maintenir avec l’autre peut lui donner une compréhension précise de notre manière d’appréhender le temps et les événements. Tout comme l’induire en erreur et complètement. Car orientée, notre vision du monde extérieur au travers de ce symbole d’expression capable de transparence ou d’incongruence reste personnelle.

« L’écriture, nous dit Elsa Triolet, c’est comme les palpitations du coeur, cela se produit. ». « Ce qui est agréable à l’écriture, reprend Dan Chaon, c’est qu’on est en même temps l’acteur, le directeur, l’auteur et même le musicien ». À Nicolas Fargues d’enchérir que : « l’écriture est le seul espace de liberté absolue ». Ce sont toutes des idées bien placées. Souvent mon écriture m’entraîne (comme c’est le cas de ce billet), alors que je pense la canaliser… Elle m’invite de temps en temps à la prendre comme prétexte pour bercer le temps. Sachant ne pas pouvoir l’arrêter, le tuer ni même faire de lui mon allié. Ce faisant, je crains de m’être inscrit dans une espèce d’ ‘illusionnisme envoûtant’.

 

(R)

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